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L’œuvre d’Eve-Marie Bousquet-Scemla (Paris, 1974) renvoie dans un premier instant au texte de Marguerite Duras, La Vie Matérielle.
Ce livre qui n’en est pas un, ce journal qui ne l’est pas non plus, « ces allers et retours entre moi et moi, entre vous et moi dans ce temps qui nous est commun ».

Ses dessins sur papier à l’encre noire ancrent le spectateur dans son quotidien, le quotidien de la femme, des femmes :
la maison, les enfants, les ancêtres, la famille, la sexualité, la sensualité. Cette maison qu’elle construit, ce foyer qu’elle porte.
Un quotidien indissociable des éléments, des objets : l’eau qui coule d’une tasse, le feu qui dynamise une casserole…
Elle fige les gestes répétés tous les jours d’une manière presque inconsciente, ces gestes banals qui, par leur répétition,
deviennent une sorte de rituel qui enferme autant qu’il libère.

Comme cette femme, cette fundi, à Mayotte dont parle Bertrand Hell : « Et je garde, désormais inscrite dans ma mémoire,
l’image de cette vieille chamane en train d’accomplir son offrande de riz aux esprits, acte à la fois chargé d’une portée et,
en même temps, geste totalement dérisoire »
.

Dans ces allers et retours entre l’ici et l’ailleurs, entre la réalité matérielle et psychique, il y a des visions et des fantasmes.
Ces fantasmes avec lesquels nous vivons tous, que nous osons regarder ou décidons d’ignorer.
Ces faunes qui se baladent dans la tête et dans l’espace, habitant l’imaginaire et la maison.

Cette présence/absence se manifeste aussi dans les vêtements et les parures esseulés, loin des corps qui, eux, apparaissent de manière fragmentaire.
Des seins et des phallus renvoient à une énergie primordiale en mouvement, métaphore des volcans qui se confondent à leur tour avec ces corps.
Une femme en quête d’un rapport ancestral avec la nature, d’une communication, d’une communion.

Par ce jeu de miroir, Eve-Marie Bousquet-Scemla saisit des gestes infimes, ce quotidien en dehors duquel la vie n’a pas de sens
et à partir duquel l’art retrouve la définition qui lui a été attribuée par Beuys d’une « sorte de science de la liberté ».

Angeles Alonso Espinosa

 

« Je dessine ce que je vois en regardant autour du papier,
au dehors,
en laissant la feuille devenir miroir-radiographique :
une étrange faune m’apparaît au milieu d’une drôle de flore.
Des germinations, un fantôme, des arborescences, un tas d’os,
des énergies, un trait d’humour.
De minuscules broderies, des tâches flottent sur le papier ;
vaste ciel, tout petit radeau sur ma table.
Chaque jour, interroger le crayon. »

EMBS

 

Après des études d’ethnologie et d’histoire de l’art,
Eve-Marie Bousquet-Scemla intègre l’Ecole Nationale Supérieure
des Arts Décoratifs à Paris et travaille pour le VIA, les Galeries Lafayettes,
les Editions du Chêne, Crea-Crea, la galerie Sentou, l’Ensad, C.Album,
le magazine Bloom…

Aujourd’hui elle travaille et expose ses dessins à Paris.

< / > © Eve-Marie Bousquet-Scemla